Critique de « Burn after reading » (2008) par Calvin

Burn after reading, Joel et Ethan Coen, 2008, 1h37

Avec Burn After Reading, les frères Cohen réalisent une comédie d’espionnage complètement loufoque et irrévérencieuse avec une galerie de personnages hauts en couleur.

Osborne Cox (John Malkovich), agent de la CIA, se retrouve au chômage, tandis que son épouse Katie (Tilda Swinton), amante secrète de Harry (George Clooney), planifie son divorce. En parallèle, Linda (Frances McDormand), employée d’un club de sport, met alors la main sur un CD contenant des informations sensibles appartenant à la CIA. Avec l’aide de son collègue Chad (Brad Pitt), elle fait chanter les autorités avec pour seul but de financer son opération de chirurgie esthétique…

Qu’il est difficile de résumer Burn After Reading. Le film multiplie les fils de l’intrigue qui s’entremêlent, se démêlent, se ré-emmêlent… Et ce n’est pas grave ! Ce joyeux foutoir est absolument réjouissant. Malgré un apparent désordre, l’intrigue du film est en réalité maîtrisée au millimètre. Une fois n’est pas coutume, le talent d’écriture des frères Cohen force au respect : ils réalisent ici un film choral, où le destin des personnages se croise pour le meilleur, et surtout pour le pire. De ce véritable chassé-croisé éclosent des situations irrésistiblement drôles, ou ultra violentes, ou les deux à la fois. Une chose est sûre, l’intrigue surprend sans cesse le spectateur, comme un brusque coup de poing dans le nez.

Ce faisant, les réalisateurs pointent du doigt la bêtise humaine, incarnée à merveille par des acteurs et actrices cinq étoiles. Utilisés plus ou moins à contre-emploi, ils osent le grotesque. A tel point que je doute qu’ils accepteraient un pareil rôle en 2019. Malkovich est un loser solitaire en pleine crise de la cinquantaine ; Swinton, une fourbe et cruelle manipulatrice ; Clooney est ridicule, faussement « cool » et séducteur ; Pitt, le neuneu de service se croyant dans un film d’espionnage (tiens donc…) ; McDormand est grotesque, accroc aux sites de rencontre et à la chirurgie esthétique.

Pourtant, ce qui est réellement remarquable avec cette galerie de personnages rocambolesques, est que les frères Cohen ne se moquent jamais réellement d’eux. Malgré la naïveté générale des personnages, les réalisateurs les filment avec bienveillance, et une certaine tendresse.

Burn After Reading, grâce à sa structure alambiquée et ses personnages hauts en couleur mais sympathiques, fait un constat sur la société américaine. En faisant s’entrechoquer deux milieu a priori opposés (la rigueur des services secrets américains et la sueur d’un club de sport décérébré), Joel et Ethan Cohen démontrent qu’en finalité, dans un cas comme dans l’autre, la stupidité a tout gangrené. Véritable satire, le film brosse un portrait grinçant des Etats-Unis, portrait qui a une résonnance bien particulière aujourd’hui, onze ans après la sortie du film, sous l’administration Trump. Un président qui pourrait avoir une place de choix dans un film des frères Cohen.

Comme le dit J.K. Simmons, directeur de la CIA dans le film : « Qu’avons-nous appris ? J’en sais foutrement rien. »

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