Pour son avant-dernier film sorti en 1974, Luis Buñuel livre une œuvre où le surréalisme se met au service de la critique sociale. Sous la forme d’un film à sketches à la narration déconstruite, Le fantôme de la liberté subjugue et nous plonge dans un univers où l’absurde s’entrechoque avec la réalité et où l’insolite prend le pas sur le commun.
Servi par une pléiade d’acteurs phares des années 70 tels que Jean Rochefort, Michel Piccoli ou encore Jean-Claude Brialy, le film se manifeste comme une satire de la société contemporaine à travers une série de récits tous plus absurdes les uns que les autres et qui ne manquent pas d’inciter le spectateur à percevoir le monde d’un autre œil, au-delà des frontières du réel et du carcan social. Finalement, l’inversion des normes et des valeurs s’opère, et on voit une autruche parcourir un salon, des parents scandalisés par leur fille en possession de photos de monuments célèbres, une réunion d’individus qui défèquent autour d’une table avant que l’un d’eux ne s’isole pour se nourrir, ou encore un assassin condamné à la peine de mort lors de son procès qui se voit être relâché et félicité par l’audience (car en effet, vivre n’est finalement qu’une injonction de mort garantie).
Ainsi, dans Le fantôme de la liberté, Buñuel décrit un univers qui est à la fois proche et diamétralement opposé du notre. Le résultat devient dérangeant et fascinant. On en rie et on en pleure presque et bien que s’apparentant à une dénonciation grossière de la vanité de la bourgeoisie et de l’hypocrisie de la religion, le film n’en est pas moins une merveilleuse fresque kafkaïenne où l’étrangeté naît de la collision entre le rêve et la réalité.
À la fois subversif et iconoclaste, Luis Buñuel demeure l’un des réalisateurs des plus importants et des plus originaux de l’histoire du cinéma qui nous livre avec ce film, une œuvre d’une liberté avérée…
